Pourquoi tous ces nuanciers et palettes de couleurs ? Parce que l’air du temps a décidé que c’était joli, parce que ça fait « créa », donc branché… Mais surtout parce que ces objets symbolisent quelque chose : la déclinaison infinie, l’hyper-personnalisation de l’offre.
Tout au long de 2010, les campagnes Sephora nous ont épatés avec leurs visuels insolites. On y voyait une carotte, une arme à feu, une seringue, un briquet, un gant de boxe, un yaourt… et ce kit de make-up Fred Farrugia, qui se présente comme un nuancier de couleurs. L’innovation ? On ne glisse dans son kit que les fards dont on a besoin. Mine de rien, ce produit inaugure le maquillage hyper-personnalisable, et Séphora choisit l’image du nuancier (certes détournée) pour signifier cela.
Dans le même esprit, deux autres objets cousins du nuancier, l’éventail et la palette, viennent signifier un corollaire de l’hyper-personnalisation : l’hyper-choix. Avec des promesses comme « Vos yeux, vous les voulez de quelle couleur ? », ou « Quelle bonne mine allez-vous porter aujourd’hui ? », Sephora ne s’adresse pas qu’à la singularité de chaque consommatrice, mais à la singularité de chacune de ses humeurs changeantes !
D’un point de vue sémantique, quel est le point commun entre le nuancier, la palette, la gamme, l’éventail ? Chacun de ces termes contient, dans une de ses acceptions, l’idée de choix, de multiplication des possibles : une palette d’outils, une gamme de produits, un éventail de possibilités… et bien sûr, un nuancier de nuances.
Un affinement potentiellement infini
Ce que la couleur ajoute à cette notion commune, à ce « sème commun » pour parler en sémiologue, c’est l’idée d’affinement. C’est par affinement (potentiellement infini) que la multiplication s’opère, parce qu’on peut toujours ajouter une goutte de couleur supplémentaire à un mélange, créant ainsi une nouvelle nuance.
La Société générale utilise aussi l’image du nuancier pour évoquer la « solution de crédit sur mesure » qui existe forcément pour vous, quelle que soit votre situation financière !
Cela m’amène à réfléchir sur l’objet nuancier, dont le plus fameux est sans doute le Pantone, du nom de ce fabricant de couleurs américain que tous les graphistes connaissent. Jusqu’à récemment, cet objet professionnel ne sortait guère des domaines de la création, de l’imprimerie, de l’industrie textile…
Quand Pantone se démocratise, l’image du nuancier se répand
Mais voilà que Pantone sort de l’ombre. Qui n’a pas vu les mugs Pantone ? Ou entendu parler de l’hôtel Pantone de Bruxelles, dont le mobilier, la déco et même la façade sont autant de clins d’œil au célèbre objet ? Il faut se rendre à l’évidence : le graphisme, la couleur, la créa sont à la mode.
Aussi, les visuels de pub mettent en scène de plus en plus fréquemment les produits déclinés dans toute leur gamme de couleurs. Du coup, une nouvelle dimension de la mise en scène est à penser : en plus de celle des produits eux-mêmes, celle de leur déclinaison offerte à la diversité de nos goûts.
– en épi (plus proche de l’éventail et de ses lames de bois superposées et décalées)
– en cercle (plus proche du nuancier qui, contrairement à l’éventail, peut se déplier sur 360 degrés)
– en ligne (plus proche de la gamme, qui renvoie aux touches alignées du piano)
Dans les magazines de déco, le nuancier lui-même, premier degré, non détourné, peut compléter une composition en étant traité à l’égal d’un objet de décoration. Il peut aussi se substituer aux produits, comme dans KitchenAid :
De la pub aux pages shopping, des shoppings aux sujets mag…
Mais cela ne s’arrête pas là ! Les pages rédactionnelles des magazines ont relayé cette pratique et n’hésitent pas, pour la beauté du geste, à présenter un produit en illustrant leur shopping par un visuel de la gamme tout entière – certes fourni par le service de presse.
Le degré ultime de cette logique consisterait à illustrer un « sujet magazine », un article à vocation non consumériste (c’est-à-dire hors shopping) par un nuancier ou un de ses objets-cousins, pour suggérer par exemple l’idée de singularité infinie des caractères humains. C’est encore Cosmo qui y a pensé !
Merci. Très intéressant de voir les phénomènes itératifs dans les tendances chromatiques du moment…
Merci Elodie pour ce commentaire, mon post s’ennuyait tout seul dans son coin… Continue de nous rendre visite, comme nous le faisons sur ton blog ! D’ailleurs, je t’invite à liker notre page Facebook Semiozine sur laquelle nous partageons, entre autres, notre veille images… Excellent week-end ! Sophie
Merci ! J’y vais de ce pas 😉