Sémiosine

Mensquare, c’est l’histoire d’une blonde…

La nouvelle publicité pour Mensquare est présentée comme une blague décalée « exclusivement réservée aux hommes ». On peut effectivement rire des blagues sur les blondes. En revanche, quand la blague de blonde devient positionnement, peut-on encore en rire ?

Une (Barbie) blonde est assise sur un banc et affiche une expression à la fois concentrée et rêveuse. Dans ses mains, un ordinateur qu’elle tient comme un magazine, parce que, c’est bien connu, une blonde, femme de surcroît, ne comprend pas grand chose aux nouvelles technologies, domaine réservé de (Ken) l’homme. Mais ne vous méprenez pas : on n’est pas sexiste, chez Mensquare, c’est juste une blague…

Cette publicité, au concept souvent usité, et la video qui l’accompagne en en rajoutant dans l’humour « potache » et « burné », ne nous auraient pas intéressés si elles n’avaient été saluées pour leur côté « décalé » par certains blogueurs spécialisés. La posture phallocentrique affichée par le magazine qui se définit lui-même comme « exclusivement réservé aux hommes » serait en fait du 2ème degré.

Décalée, vraiment, la blague sur les blondes idiotes et sexy ? Décalée, la référence à un espace spécifiquement masculin – à l’instar des toilettes des lieux publics, des vestiaires de sport ou, plus anciens, des clubs d’amateurs de cigare ? Décalé, ce positionnement qui définit encore l’homme comme ce qu’il n’est pas, une femme ?… On est bien ici dans la construction d’un message plutôt archaïque qui emprunte aux discours les plus réactionnaires sur le genre, ceux d’Eric Zemmour en tête.

Mensquare se revendique ainsi clairement comme un magazine masculin pour les hommes, les vrais. Pas ceux qu’on voit autour de nous et qu’on nous montre de plus en plus souvent dans les médias classiques s’occuper des enfants, participer aux tâches ménagères ou prendre soin d’eux. « Vous avez raison d’être un homme » exhortent les fondateurs du site. En d’autres termes : « vous avez raison de vous moquer des femmes », « on est tellement bien entre nous », « ne perdez pas cette virilité qui vous définit”.

L’homme selon Mensquare ne peut donc pas se définir autrement que par son genre. C’est un univers où la diversité des représentations et des expressions masculines n’existe pas. C’est le bleu pour les garçons (que l’on retrouve dans le logo) vs le rose pour les filles et l’homme vs la femme – plus précisément le mâle vs la femelle.  Un mâle sur la défensive, terrifié à l’idée d’être remis en cause dans son pouvoir – parce que, le jour où la femelle aura un cerveau, on ne sait jamais ce qui pourrait arriver.

Si cette publicité peut être qualifiée de drôle par certain(e)s, on ne peut donc pas vraiment la considérer comme décalée. Elle porte les valeurs de la marque exprimées sur le site et centrées autour d’une vision monolithique de l’homme d’aujourd’hui (ou d’hier?) dont les centres d’intérêts seraient grosso modo : les femmes (pour ne pas dire le sexe), la technologie et les belles voitures.

Rien de bien nouveau sous le soleil des magazines classiques masculins, donc. A moins peut-être, et compte tenu des chiffres d’audience revendiqués (“8 millions de visiteurs uniques par mois”) qu’il soit le signal faible d’une tendance sociétale « retour vers le passé et sexisme décomplexé » ?

4 réflexions sur “Mensquare, c’est l’histoire d’une blonde…”

  1. Bonjour,

    Merci à vous d’avoir pris la plume pour écrire cet article salutaire, il est rassurant de savoir que d’autres partagent ma révolte à la vue de cette affiche.

    Parce que jouer sur les clichés sexistes pour vendre (du contenu sexiste a fortiori), ce n’est en effet ni « drôle » ni « décalé », c’est juste pitoyable.

    G. (un homme, mais pas celui que fantasme Mensquare)

  2. Merci pour ce texte, je n’aurais pas écrit mieux.

    J’ai vu cette publicité ce matin après avoir déposé mon fils à l’école, et je n’en revenais pas. Je cherchais par tous les moyens de me prouver que j’avais mal compris, en fait, que cette affiche (celle de la blonde qui lit un ordi) ne disait pas vraiment ce qu’elle était en train de dire. Les articles (mis à part celui-ci) que j’ai lus à ce sujet saluent tous cette prouesse de communication, ce franc-parler qui n’a pas froid aux yeux, voire ce courage d’oser enfin se dresser contre le diktat des femmes, ces pisse-froids sans humour – en somme, ce machisme bêta décomplexé.

    Mais si, c’était bien de cela qu’il s’agissait. Alors je me suis rendu compte que la soi-disant blague (réservée aux hommes) n’était vraiment, mais alors vraiment pas drôle ! Je pense que même le plus abruti des sexistes n’esquissera pas le moindre sourire à cette « blague ». Je veux dire : ils auraient pu faire mieux.

    C’est là que la paranoïa a pris le dessus. Je suis allée chercher sur Internet qui avait commis cette bouze, C’est HAVAS 360. Autrement dit, du lourd. Alors soit il faut qu’ils changent de DRH – parce que vraiment, en matière de blague macho, ils auraient pu trouver bien mieux (une bonne blague sur le viol par exemple, rha ha ha) – soit ils ont cherché le bad buzz pour faire parler d’aux dès le départ (cf numéricâble, stabilo, et j’en passe). Et en fait à bien y réfléchir, ça ne me semble pas une hypothèse si farfelue, si « complotiste ».

    Quoi qu’il en soit, j’espère sincèrement que la mayonnaise ne prendra pas et qu’ils resteront aussi insignifiants qu’ils méritent de l’être.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.