J-1 avant l’ouverture officielle des cadeaux de Noël et la découverte sous le sapin des jouets pour les enfants. L’occasion pour nous de regarder si l’initiative proposée l’an dernier par Super U d’en finir avec la représentation des jouets par genre a fait des émules chez ses concurrents. Inventaire des catalogues Noël 2014 de Joué Club, Oxybul, la Grande Rentrée et Imaginarium. Appréciation générale : en progrès dans l’ensemble, mais peut mieux faire…
Bricolage pour les filles et dînette pour les garçons
Lancé l’année dernière en plein débat sur le mariage pour tous, le catalogue de Noël « sans genre » de Super U créait la polémique, notamment sur les réseaux sociaux. En cause, le contre-pied osé et un brin provocateur de la marque aux clichés sexistes qui pèsent lourdement sur le secteur. Exit les représentations stéréotypées et la répartition des jouets par genre. Super U invite les petites filles à jouer aux camions, grues et autres voitures télécommandées, laissant aux garçons le soin des poupées et de la dînette.
Déconnecté du débat sur le mariage pour tous et de celui, plus récent, sur l’enseignement de la théorie du genre à l’école, le nouveau catalogue de Noël Super U continue sur sa lancée, s’affranchissant des représentations conventionnelles (le rose pour les filles, le bleu pour les garçons) et confirmant ainsi son image de marque progressiste.
Si l’édition 2014 s’avère moins avant-gardiste et novatrice qu’attendue, elle n’en propose pas moins une vision singulière de l’univers du jeu. Un endroit où garçons et filles peuvent jouer ensemble, à des jeux communs, où parents et grands-parents participent, où les rubriques « mes véhicules » et » mon chantier » s’adressent aux filles comme aux garçons.
Des filles pirates chevauchant des dinosaures, qui s’intéressent à la sciences et aux sports de combat
Relation de cause à effet ou non, on observe une évolution sensible des représentations garçons/filles dans les catalogues de Noël des marques sélectionnées. Aux côtés des traditionnels déguisements de fées et de princesses, Oxybul se distingue par exemple avec une panoplie de pirate. Chez Oxybul encore et de façon plus généralisée dans la plupart des catalogues de notre corpus, les petites filles semblent moins cantonnées qu’auparavant dans des activités calmes, de créations artistiques. Photographiées en mouvement, elles sont actives, bougent, sautent, etc. En revanche, chez Joué Club, « câliner » est un verbe qui se conjugue exclusivement au féminin.
Si on observe au fil des pages des initiatives intéressantes qui viennent chahuter un peu les clichés sexistes et la répartition classique des jeux par genre (les pistolets pour les garçons, la marchande pour les filles), on assiste dans le même temps à un effet pervers, celui de la segmentation marketing qui, à nouveau, par le packaging notamment, réintroduit les clivages. Des pistolets, des motos, des établis pour les filles mais pourvus qu’ils soient roses…
Au delà des catalogues donc et dans certains magasins de jouets comme la Grande Recré, le constat est clair : au rayon jouet, les garçons et les filles restent séparés. Plus redoutable encore que les packs « genrés », la scénographie guide et oriente le choix des jouets pour enfants. Plus inquiétante encore peut-être, elle en interdit d’une certaine manière, à l’image des pictogrammes des toilettes affichés dans les lieux publics, l’accès aux enfants de l’autre sexe, révélant ainsi nos craintes profondes en matière d’identité sexuelle.