Dans le monde de la mode masculine, on voit apparaître de jeunes marques qui revendiquent haut et fort leur appartenance française. Crise de l’identité nationale ou rejet d’une société consumériste ? Analyse en trois temps de ces marques qui veulent renouer avec l’esprit français, le vrai.
“En ce moment, nous sommes de plus en plus contactés par des jeunes qui souhaitent se lancer dans la fabrication française. Il se passe vraiment quelque chose”, constatait en 2011 le patron de l’usine de Limoges qui produit les chaussettes de la marque Archiduchesse, dans une interview aux Inrockuptibles. Le thème du “Made in France” a déjà beaucoup été évoqué par les magazines depuis l’année dernière. Une analyse sémio-linguistique de ces quelques marques françaises et se revendiquant comme telles permettra peut-être d’en apprendre un peu plus…
Un univers visuel estampillé “français”
Pour mieux se revendiquer Made in France, les marques n’hésitent pas à reprendre des univers colorés qui rappellent les codes couleurs de la France. Avec plus ou moins de subtilité.
French Trotters y va franco, en réutilisant directement le drapeau français, afin de pouvoir rivaliser avec ceux de Grande-Bretagne et des Etats-Unis, que la mode reprend à tout va. D’autres marques, comme Archiduchesse ou Le Slip Français, se servent de leurs produits pour faire des assemblages colorés bleu-blanc-rouge. Pratique quand on affiche un nuancier de chaussettes de plus d’une cinquantaine de teintes. Revendicatif quand on décide de ne faire que des slips aux couleurs du drapeau français. Dans tous les cas, cela permet à ces deux marques d’afficher en une seule image à la fois l’originalité de leur produit, le nom de leur marque, et leur fabrication française.
Globalement, ces marques Made in France optent pour des vêtements aux coloris tricolores, souvent mis en scène de sorte qu’on reconnaisse l’appartenance au drapeau français sur les photos des catalogues. Le meilleur exemple reste celui de + Commune de Paris +, dont les vêtements autant que l’univers photographique rappellent l’appartenance française. Pour la marque Jardins Parisiens, c’est beaucoup moins direct, mais sur chacune des photos du catalogue, le modèle arbore un assemblage d’au moins deux des couleurs du drapeau. Vu également chez Cuisse de Grenouille, la chemise en Vichy tricolore avec les accessoires assortis.
Mais pour se revendiquer françaises, certaines marques préfèrent la subtilité. Ainsi, Bleu de Paname et Gaston Espadrilles utilisent plutôt le motif marinière cher à Jean-Paul Gaultier. D’autres, comme S’il-vous-plaît Merci ou Gustave, Religion parisienne, n’hésitent pas à réutiliser sur leurs vêtements mêmes des icônes frenchies, comme des baguettes, l’Origine du Monde de Courbet, ou des photos de Jacques Chirac et Gérard Depardieu.
Un logo soit très sobre, soit très cliché
Utiliser la baguette pour se revendiquer marque française, il fallait l’assumer. Car si la plupart des marques 100% Made in France utilisent simplement un logo typographique, d’autres n’hésitent pas à jouer des clichés.
C’est ainsi qu’on se retrouve avec un logotype représentant un béret et une moustache noirs pour les espadrilles Gaston fabriquées dans le sud-ouest de la France, un autre représentant un pigeon monochrome pour Les Jardins Parisiens, marque se revendiquant de l’esprit mode de la capitale. Un peu plus en finesse, celui de S’il-vous-plaît Merci reprend un univers coloré digne des guirlandes de fanions des sempiternelles fêtes de village. Bleu de Paname, lui, se distingue en prenant pour emblème des pieds-de-biche entrecroisés, ce qui traduit plus un esprit rebelle digne de la capitale qu’un côté franchouillard bon vivant.
Des noms qui rappellent la vieille France
Le côté “franco-français” des marques se distingue aussi et surtout par les noms qu’elles ont choisis, à la fois pour leurs vêtements, leurs collections et leur marque de manière globale.
On se retrouve ainsi avec des collections “Midinettes”, “Rungis” et “Uniforme” pour Bleu de Paname, des t-shirts “Origine du Monde”, “Gérard” et “Jacques” pour Gustave, Religion parisienne, des espadrilles “Gertrude”, “Christine”, “Jeanne” et “Solange” pour la marque Gaston, etc.
Mais les noms de ces marques Made in France, dont seul “French Trotters” est en anglais, ont tous la particularité de vouloir signifier quelque chose, et d’être lisibles par tous (sous-entendu, tous les gens capables de lire le français). Tour à tour, ces noms sont évocateurs de la langue française (S’il-vous-plaît Merci, Archiduchesse), jouent sur les clichés (Cuisses de Grenouilles), revendiquent leur origine (Le Slip Français, Les Jardins Parisiens, Bleu de Paname) ou l’histoire de France (+ Commune de Paris +).
Si l’on creuse un peu plus, et en ouvrant notre corpus à d’autres entreprises françaises comme Merci Alfred (fournisseur de bons plans), Le Savon de Marcel (savons artisanaux), on se rend compte que les prénoms Gaston, Gustave, Alfred, Jacques et Marcel ont tous eu leur heure de gloire entre 1900 et 1940, registres de l’INSEE à l’appui. Et quelle que soit la raison pour laquelle tel ou tel prénom masculin a été choisi pour devenir un nom de marque, il en ressort une sorte de nostalgie quant à un temps qui n’existe plus, une époque révolue que les jeunes d’aujourd’hui n’osent imaginer que dans leur garde-robe. Il ne manquerait plus que de lancer les lunettes de vue “Léon” pour retomber en plein dans l’euphorie des premiers congés payés.
Finalement, la question que pose cette émergence de marques Made in France devient presque politique : ces jeunes créateurs d’entreprise, pour la plupart sortis d’écoles de commerce ou de design, lancent-ils des marques franco-françaises pour relancer l’économie de leur pays en faisant travailler des ouvriers français sur le sol français et sortir du système actuel de consumérisme absolu ? Ou bien est-ce une manière pour eux de revendiquer leur pays, de renouer avec leur drapeau et de tenter de donner un sens à l’identité française ? Ce qui est sûr, c’est que l’esprit franchouillard revient à la mode. Ce ne sont pas les centaines de participants du Ride Béret Baguette de mai dernier qui diront le contraire…
Merci de vos commentaires. Ca fait chaud au coeur avnt de commencer la semaine.
je vais montrer ça aux copines de l’Atelier, ca va les motiver.
Encore merci
J’adhère complétement 🙂 En plus les produits ont l’air de bonne qualité. je vais sans doute craqué
Merci VacFr pour votre commentaire. Je ne peux que vous inviter à craquer sur tous les produits fabriqués en France. Votre réaction montre bien que des personnes comme Michelle et ses collègues de l’usine de Charente ont raison de se battre pour sauver le savoir-faire Made in France…
Votre article me plaît beaucoup même si je ne me retrouve dans aucune des catégories. Nous ne sommes ni créateurs sortis d’école de commerce, ni défenseur d’une certaine nostalgie.
Nous sommes simplement 33 femmes et 2 hommes qui travaillent depuis 25 à 30 ans dans une usine de Charente qui allait sûrement fermer faute de repreneur.
Nous nous sommes formées à Internet pour pouvoir vendre en direct nos ballerines 100% faites en France et nous sommes fières d’avoir obtenu le label « Origine France Garantie » et notre seul but est de pouvoir continuer à travailler et vivre chez nous en fin fond de campagne.
Merci Michelle pour votre commentaire.
Cet article avait pour but d’analyser un phénomène qui est en train de se passer de manière globale, et il semblait difficile de revenir précisément sur tous les cas de figures de marques Made in France. Mais merci à vous d’avoir mis en avant votre action et votre initiative d’apprendre par vous même toutes les techniques de vente par internet qu’on apprend souvent dans les écoles de marketing. En espérant que de nombreuses autres usines s’inspirent de votre réussite afin de redonner au savoir-faire français sa juste valeur !