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Les affiches des films d’Asghar Farhadi

Suite au succès du film d’Asghar Farhadi, Une séparation,  son distributeur français, Memento Films Distribution, ressort les deux précédents opus du réalisateur iranien : A propos d’Elly (2009) et La Fête du feu (2007). Au cœur du dispositif promotionnel imaginé par Memento : les affiches, matériel profilmique qui bénéficie ici d’un traitement particulier.

Un modèle

Trois affiches, une même composition. Paresse du graphiste ? Budget de communication réduit à sa plus simple expression ? Ou plus vraisemblablement éléments clés d’une stratégie de communication originale ?

Chronologiquement, c’est l’affiche de 2009 du film A propos d’Elly qui a été  jugée suffisamment pertinente pour servir de modèle à Une séparation. Et c’est le succès de ce dernier qui en a fait le modèle tout trouvé pour les nouvelles affiches.

Esthétiquement, les trois bandes ont été conservées mais modifiées pour permettre une mise en relief du titre. Le fond noir, couleur du drame, est, lui, devenu blanc, lumineux, plus rassurant pour le spectateur. Les trois unités visuelles, qui imitent des morceaux de pellicule, se présentent ainsi comme des unités narratives distinctes à lire de gauche à droite. Elles mettent l’accent sur un personnage (en gros plan) ou sur un moment (une scène centrale, une confrontation…), tout en fragmentant l’histoire, et annoncent de cette façon la multiplicité des personnages et des points de vue adoptés dans le film.

Une recherche d’homogénéité

L’objectif de cette reproduction est de créer une unité visuelle entre les trois films – même réalisateur, même distributeur, mêmes éléments de composition –  pour signifier l’homogénéité d’une œuvre qui reste à découvrir, et pour mettre le spectateur en confiance : vous avez aimé le dernier film d’Asghar Farhadi, vous aimerez les précédents. Les affiches créent un jeu de miroir entre elles et deviennent des éléments de mémorisation forts pour un spectateur confronté à une offre cinématographique toujours plus abondante.

Memento détourne surtout un phénomène très populaire aujourd’hui, celui de la série, dont la familiarité rassure – on est toujours heureux de retrouver les mêmes personnages dans des situations relativement similaires -, pour signifier : que le nom d’un réalisateur dont un film a connu le succès est forcément un gage de qualité, et donc une valeur sûre ; qu’un spectateur peut faire confiance à un distributeur qui croit en la carrière d’un réalisateur ; et que le succès d’un film peut reposer aussi sur son affiche, et sur toute la stratégie de communication qui accompagne la sortie d’une oeuvre.

Un public cinéphile ?

Le risque existe cependant de provoquer une certaine confusion, dans l’esprit du spectateur, entre les trois films, qui ne seront plus considérés dans leur individualité, mais dans leur filiation et leur appartenance à un ensemble générique « Asghar Farhadi ». Comme les épisodes d’une œuvre que rien ne différencierait, sinon leur titre.

Probablement conscient de ce problème, Memento semble avoir fait le choix de s’adresser à un spectateur plutôt cinéphile qui considère un film comme faisant partie d’un tout, et non pas comme un élément isolé sans lien avec l’oeuvre de l’artiste. Un spectateur qui éprouve le désir de découvrir tout ce qu’a réalisé un cinéaste dont il a aimé un film. Un spectateur qui plus est confronté, en période estivale, à une baisse du nombre des sorties de films, et qui peut donc sans scrupule s’adonner aux joies des séances de rattrapage.

Une stratégie payante ?

P.S. :

1. Une séparation a réuni plus de 550 000 spectateurs en cinq semaines d’exploitation (chiffres Allociné).

2. La Fête du feu a d’abord été distribué en 2007 par un autre distributeur, les Films du Paradoxe, et exploité avec une affiche bien différente, plus classique :

3. Un autre film distribué par Memento en France en 2011 a bénéficié d’une affiche à la composition similaire, Shahada, de Burhan Qurbani :

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