Le Hearst Castle, décor choisi par Lady Gaga pour son clip G.U.Y., est situé sur la côte californienne, quelque part entre Los Angeles et San Francisco. Orson Welles l’avait, dans Citizen Kane, rebaptisé Xanadu, transformant ce lieu bien réel en un symbole de l’American Dream.
Orson Welles, lorsqu’il imagine le personnage principal de Citizen Kane (1941) agonisant dans sa forteresse nommée Xanadu, s’inspire de William Randolph Hearst, magnat de la presse qui fit construire, sur une « colline enchantée » de Californie, un palais mêlant, entre autres, références à l’antiquité, pierres moyenâgeuses et décors hispanisants.
De Marco Polo à Mandrake le magicien
Pour le cinéaste, qui signe là son premier film, le palais se nommera Xanadu. Nom exotique, mystérieux, chargé d’évocations orientales depuis un certain Marco Polo qui, le premier, mentionna « Ciandu » (Shangdu), cette capitale impériale devenue palais d’été de Kubilaï Khan, premier empereur mongol de la dynastie Yuan, au XIIIe siècle. Si, en 2012, le site fut classé par l’Unesco au patrimoine de l’humanité, son nom a, lui, fait un long périple depuis la Chine jusqu’en Angleterre où il réapparaît, sous sa graphie actuelle, dans un poème de 1797 signé Samuel Taylor Coleridge :
« In Xanadu did Kubla Khan
A stately pleasure-dome decree
Through caverns measureless to man
Down to a sunless sea. »
La ville impériale est devenue, sous la plume du poète anglais, forteresse fabuleuse, synonyme de splendeur et d’opulence. Tellement fabuleuse et imprenable que Mandrake le magicien, bien plus tard, décidera d’en faire sa demeure…
D’Orson Welles à Lady Gaga
Quand Orson Welles investit ce qu’il faut bien déjà appeler un mythe, il en accentue les contours, nomme son personnage principal d’un « Kane » (Khan) impérial, et fait clairement de Xanadu l’archétype de la démesure. Cette demeure de contes et légendes, trônant au sommet d’une colline, c’est le symbole de la réussite sociale de Kane tout autant que sa revanche sur une enfance interrompue trop tôt ; c’est le lieu dans lequel il se coupera du monde pour rechercher en vain le fantôme d’un bonheur originel à jamais disparu.
Et le mot Xanadu de s’imposer comme synonyme de démesure et symbole de réussite sociale tout autant que de quête d’un paradis perdu, par exemple :
. Dans le film Xanadu, de 1980, (adapté en comédie musicale en 2007) qui voit la muse Olivia Newton-John divine descendre sur terre pour apporter son aide à la création du night-club Xanadu, véritable palais dédié à la danse…
. Dans Xanadu, la série française de 2011 sur un empire du X nommé Xanadu…
. Dans G.U.Y – an Artpop film, enfin, le nouveau clip de Lady Gaga (décrypté par Donovan de Pinho) qui ne cite pas directement Xanadu, mais où le Hearst Castle (aujourd’hui lieu touristique) combine toutes les images du mythe et redevient pour quelques instants ce paradis, ce lieu des origines dans lequel s’isoler des violences du monde, se ressourcer, se reconstruire.
Xanadu aujourd’hui
Le mot Xanadu, chargé en représentations symboliques, évoque ainsi tour à tour :
- la splendeur et l’opulence d’un palais d’été ;
- la démesure d’une demeure de milliardaire ;
- Le symbole d’un certain American Dream ;
- La quête d’un paradis perdu ;
- Et finalement le mythe, en creux, d’un retour aux origines.