Rare en presse grand public, le « titre-phrase » est une règle quasi absolue chez Science & Vie. Le magazine signifie ainsi, page après page, son positionnement : être le relais d’une expertise scientifique.
En feuilletant Science & Vie, on est frappé par la constance formelle des titres. Des phrases construites, complètes, parfois même avec subordonnée… Un choix de formulation qui va à l’encontre de la pratique dominante en matière de titres de presse : courts, exclamatifs, clins d’œil, à effets de style… Bref, le titre informatif pur contre le titre incitatif.
Cette pratique peu répandue mérite que l’on se penche dessus, parce que sa constance révèle un véritable parti pris de la part de Science & Vie.
Voyons d’abord le fond, le contenu. L’objectif immédiat de ces titres est de transmettre des informations de plusieurs ordres.
Révéler, résoudre des mystères :
Donner la primeur des avancées scientifiques :
Alerter sur des risques, des situations critiques :
Mettre à notre portée l’inaccessible temporel ou spatial :
Eveiller la curiosité par l’insolite, le merveilleux :
Voyons maintenant ce que la forme apporte à ce contenu.
En adoptant la phrase complète pour construire sa titraille, Science et Vie nous dit : « Je sais. Non pas parce que je suis la science, mais parce que j’en suis le relais. » Énoncer systématiquement des informations de nature scientifique sous forme de phrase complète, c’est leur apporter une dimension gnomique, cette forme utilisée pour énoncer des vérités générales reconnues par tous. Le type même de l’énoncé gnomique : « La Terre tourne autour du Soleil »
Peut-être a-t-on reproché à ce magazine de ne pas être une revue scientifique ? Mais n’être « que » le relais de la science auprès d’un large public, tel est justement le positionnement de Science et Vie. Or la vulgarisation engendre souvent le soupçon, voire le mépris. Le recours à la forme gnomique, ici, est une stratégie : cela calme le caractère sensationnel des titres, autre reproche souvent adressé à Science et Vie. Mais c’est aussi un message. On peut être un bon journaliste scientifique sans être chercheur. Vulgariser n’est pas galvauder la vérité, ce n’est pas diminuer la portée de la science. C’est au contraire l’augmenter : la science à la portée du plus grand nombre.
Ping : Science&Vie : « Je phrase donc je sais. » | Mister H
Bonjour Sophie, je sens de l’inspiration, du phrasé, du style depuis quelques temps… C’est passionnant à lire !
Merci Elodie, de nous lire régulièrement ! Je profite de ce commentaire pour aller faire un tour sur Sciigno ! A plus.
Bonjour,
Bravo pour la qualité de ce texte. Je me suis permis d’y faire référence dans le blog que mon cabinet de conseil tient sur le thème « changez de Monde pour réussir votre stratégie ».
L’exemple de Science et vie que vous citez est formidable : « notre monde est parfaitement clair et son illustration emblématique est notre gestion de la titraille ».
http://www.lesmondesdepval.com/2011/05/science-ou-comment-les-titres-dun.html
Merci, Bruno, pour ce commentaire et le post élogieux sur votre blog. Apparemment, ce que j’exprime là illustre votre logique. Une « traduction Monde », mazette ! Je vais maintenant essayer de comprendre ce « Monde » qui est le vôtre… Mondainement vôtre, Sophie.